Synaxaire du 5e dimanche de Carême
Ce cinquième dimanche de Carême, nous faisons mémoire de notre vénérable Mère Marie l’Égyptienne. Native d’Égypte, à l’âge de douze ans elle s’enfuit de chez ses parents pour se rendre à Alexandrie, où elle vécut dix-sept ans dans la débauche. Un jour, mue par la curiosité, elle s’embarqua avec de nombreux pèlerins pour Jérusalem. Arrivée à la Ville sainte, elle suivit la foule qui se pressait vers la basilique le jour de l’Exaltation de la vénérable Croix. Mais une force invisible l’empêchait d’entrer dans l’église, malgré ses efforts, alors que la foule pouvait pénétrer sans obstacle. Consciente de son impureté, elle répandit des larmes et décida de changer de vie, adressant une prière à la sainte Mère de Dieu. Elle se sentit alors délivrée de cette puissance qui la retenait et put entrer sans difficulté dans l’église. S’étant prosternée devant la vénérable Croix, le jour même elle partit vivre au cœur du désert. Là, pendant quarante-sept ans, elle y mena une vie très austère, une existence surhumaine, seule à seul avec Dieu dans la prière. Vers la fin de sa vie, elle rencontra un ermite nommé Zozime. Lui ayant raconté sa vie, elle le pria de lui porter les Saints Mystères pour y communier. Zozime les lui apporta l’année suivante, le Jeudi Saint [le 1er avril 378]. Revenu l’année d’après, Zozime la trouva morte. Près d’elle se trouvait une inscription : « Abba Zozime, enterre ici le corps de la pauvre Marie. Je suis morte le jour où j’ai communié aux Saints Mystères. Prie pour moi. » La mémoire de la sainte anachorète est célébrée le cinquième dimanche du Grand Carême, à l’approche de la fin de celui-ci, pour inviter à la pénitence, par l'exemple de la sainte, les négligents et les pécheurs.
Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Hébreux (du jour : Hébreux 9, 11-14)
Frères, le Christ a paru comme grand prêtre des biens à venir ; Il a traversé un tabernacle plus grand et plus parfait, celui qui n’est pas fait de main d’homme, c’est-à-dire qui n’appartient pas à cette création, et ce n’est pas avec le sang des boucs et des jeunes taureaux, mais avec son propre sang, qu’Il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, nous ayant acquis une éternelle rédemption. Si le sang des taureaux et des boucs, si la cendre des génisses, en effet, sanctifient par leur aspersion ceux qui sont souillés, et leur procurent la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ, qui par l’éternel Esprit s’est Lui-même offert à Dieu comme victime sans tache, purifiera-t-il notre conscience de ses œuvres de mort, pour nous permettre de rendre un culte au Dieu de vie !
Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Galates (de la sainte : Galates 3, 23-29)
Frères, avant que ne vienne la foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, en attendant la révélation de la foi. Ainsi la Loi nous a servi de pédagogue pour nous conduire au Christ, afin que nous obtenions de la foi notre justification. Mais, la foi étant venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue. Car vous êtes tous des fils de Dieu par la foi au Christ Jésus. Vous tous qui dans le Christ avez été baptisés, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus. Mais, si vous êtes du Christ, vous êtes donc la descendance d'Abraham, les héritiers de ce que Dieu a promis.
Lecture de l'Évangile selon Saint Marc (du jour : Marc 10, 32-45)
En ce temps-là, les disciples étaient en route montant vers Jérusalem et Jésus les conduisait, et ils étaient remplis de stupeur, et ceux qui suivaient avaient peur ; Jésus prit de nouveau à part les Douze, et commença à leur dire ce qui allait lui arriver : « Voici que nous montons vers Jérusalem et le Fils de l’Homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort et le livreront aux nations : celles-ci se moqueront de lui, elles lui cracheront dessus, elles le feront fouetter et mettre à mort et, après trois jours, Il ressuscitera. » Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchèrent de lui et lui dirent : « Maître, nous voulons que Tu fasses pour nous ce que nous allons te demander. » Jésus leur dit : « Que voulez-vous que Je fasse, Moi, pour vous ? » Ils lui dirent : « Accorde-nous de siéger dans ta gloire, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche. » Mais Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ; pouvez-vous boire la coupe que Je bois ou être baptisés du baptême dont Je suis baptisé ? » Ils lui dirent : « Nous le pouvons. » Jésus leur dit : « La coupe que Je bois, vous la boirez et le baptême dont Je suis baptisé, vous en serez baptisés. Mais siéger à ma droite ou à ma gauche, cela ne m’appartient pas de l’accorder ; c’est à ceux pour qui c’est préparé. » Les dix entendirent et commencèrent à s’irriter contre Jacques et Jean. Jésus les appela et leur dit : « Vous savez que ceux qui passent pour chefs des nations les tiennent sous leur pouvoir et que les puissants d’entre elles disposent d’elles. Il n’en est pas ainsi parmi vous : que celui qui veut devenir grand parmi vous soit votre serviteur, et que celui qui veut être le premier parmi vous soit l’esclave de tous. Car le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. »
Lecture de l'Évangile selon Saint Luc (de la sainte : Luc 7, 36-50)
En ce temps-là, pharisien pria Jésus de manger avec lui. Jésus entra dans la maison du pharisien, et se mit à table. Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville, ayant su qu'il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d'albâtre plein de parfum, et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait ; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum. Le pharisien qui l'avait invité, voyant cela, dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il connaîtrait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, il connaîtrait que c'est une pécheresse. » Jésus prit la parole, et lui dit : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. » « Maître, parle », répondit-il. « Un créancier avait deux débiteurs : l'un devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel l'aimera le plus ? » Simon répondit : « Celui, je pense, auquel il a le plus remis. » Jésus lui dit : « Tu as bien jugé. » Puis, se tournant vers la femme, il dit à Simon : « Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as point donné d'eau pour laver mes pieds ; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as point donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a point cessé de me baiser les pieds. Tu n'as point versé d'huile sur ma tête ; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds. C'est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés : car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu. » Et il dit à la femme : « Tes péchés sont pardonnés ». Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés ? » Mais Jésus dit à la femme : « Ta foi t'a sauvée, va en paix. »
Paroles des Pères
La croix n’est lourde que tant qu’elle demeure « ma croix ». Quand elle devient la Croix du Christ, elle devient soudainement très légère – « car Mon joug est facile et Mon fardeau léger » dit le Seigneur (Matth. 11, 30). (…) Le disciple du Christ porte sa croix comme il convient quand il reconnaît que ces peines mêmes qui lui sont envoyés, à lui et non à quelqu’un d’autre, sont nécessaires à sa formation en Christ et à son salut. (…) Loue Dieu pour ta croix, coupant court à toute pensée d’apitoiement sur soi et à tout murmure, puisque ce ne sont rien moins que blasphèmes. (…) Loue Dieu pour ta croix, car la croix est le seul véritable instructeur, gardien et trône de la théologie. Hors de la croix, il n’y a pas de connaissance vivante de Dieu. (…)
Un disciple du Christ prend sa coupe quand il supporte les difficultés de ce monde avec l’humilité inspirée par l’Évangile. Saint Pierre se précipita pour défendre le Dieu-Homme, épée à la main, quand Il fut encerclé par les malfaiteurs. Mais le doux Seigneur dit à Pierre : « Range ton épée dans son fourreau. Ne boirai-je pas la coupe que Mon Père m’a donnée à boire ? » (Jean 18, 11)
Quand nous sommes encerclés par les difficultés, réconfortons et fortifions notre âme en disant : « Ne boirai-je pas la coupe que Mon Père m’a donnée à boire ? » La coupe est amère. Pour celui qui jette un simple regard sur elle, tout raisonnement humain s’évanouit. Remplace ton raisonnement par la foi, et bois bravement la coupe amère. Le Père, qui est Toute-Bonté et Toute-Sagesse, te la donne.
Ce ne sont pas les Pharisiens, ou Caïphe, ou Judas qui l’ont préparée. Ce n’est pas Pilate et ses soldats qui l’ont donnée. « Ne boirai-je pas la coupe que Mon Père m’a donnée à boire ? » Les Pharisiens conspirent, Judas trahit, Pilate ordonne le meurtre, et les soldats du gouverneur le mettent à exécution. Par leurs crimes, ils se sont tous préparés une inévitable perdition. Ne te condamne pas toi-même au même sort par le souvenir du mal, par le désir de revanche, par la haine de tes ennemis.
Notre Père céleste est omniscient, omnipotent. Il voit tes problèmes et tes malheurs, et si Il avait trouvé nécessaire et profitable d’éloigner cette coupe de toi, Il l’aurait certainement fait. Le Seigneur, selon les Écritures et l’histoire de l’Église, autorise dans certains cas Ses serviteurs bien-aimés à souffrir, tandis que dans d’autres cas Il prévient la souffrance, selon Ses jugements impénétrables.
Quand la coupe apparaît devant toi, ne regarde pas l’homme qui te la donne, mais élève ton regard au ciel et dit : « Ne boirai-je pas la coupe que Mon Père m’a donnée à boire ? »
Je prendrai la coupe du salut. Je ne rejetterai pas la coupe, qui est une promesse de bénédictions célestes, éternelles. L’apôtre du Christ m’enseigne la patience : « Nous devons passer par de nombreuses tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu » (Actes 14, 22). Refuserai-je la coupe, qui est un moyen d’acquérir et développer le Royaume au dedans de moi ?
- Saint Ignace Briantchaninov, Le champ de bataille.
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Il est nécessaire de nous soumettre soit à Dieu suivant son commandement, soit aux autres à cause de son commandement. Il est écrit en effet : « …soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ » (Ep 5,21) ; et le Seigneur a dit : « Celui qui veut être grand parmi vous doit être le dernier et le serviteur de tous » (Mc 9,34). Cela signifie évidemment : renoncer à ses volontés propres et imiter le Christ : « Je suis descendu du ciel, a-t-il dit, non pour faire ma volonté mais la volonté de mon Père qui m’a envoyé » (Jn 6,38).
- Saint Basile le Grand, Les Règles monastiques, « les petites règles », question 1.
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Accueillons donc notre Dieu et Seigneur, le véritable médecin qui, seul, est capable de guérir nos âmes en venant à nous, lui qui a tant peiné pour nous. Il frappe sans cesse à la porte de nos cœurs pour que nous lui ouvrions, afin qu’il entre, qu’il repose dans nos âmes, que nous lui lavions les pieds et les couvrions de parfum, et qu’il fasse chez nous sa demeure. Dans un endroit, en effet, Jésus blâme celui qui ne lui a pas lavé les pieds (cf. Luc 7, 44) et ailleurs il dit : « Voici que je me tiens à la porte ; si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai chez lui » (Ap. 3, 20).
- Saint Macaire le Grand, Homélies spirituelles, XXX, spiritualité orientale n°40, p.284.