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Ce huitième dimanche de Pâques, nous fêtons la sainte Pentecôte, c’est-à-dire la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres réunis dans la chambre haute à Jérusalem. Comme par un vent violent, le Christ donne le Saint Esprit aux Apôtres sous forme de langues de feu. Ceci se produisit le jour de la Pentecôte juive, fête qui rappelle que Dieu a donné les dix commandements à Moïse ; de même, ce jour, nous fêtons la descente du Saint-Esprit qui donne la loi nouvelle, non plus d’une manière extérieure mais intérieure. La fête de Pentecôte est célébrée cinquante jours après Pâques (pentekosti signifie 50 en grec) , comme la Pentecôte juive est aussi célébrée cinquante jours après la Pâque juive.
Sur l’icône de la Pentecôte, les Apôtres sont assis dans la maison, en demi-cercle (forme qui rappelle les lieux d’enseignements dans l’Antiquité, mais ici la place du Maître, au centre, est représentée vide, car c’est la place du Christ invisiblement présent). De chaque côté, les Douze Apôtres sont assis face à face, en symétrie : en haut, les apôtres Pierre et Paul (Paul était absent historiquement le jour de la Pentecôte, mais l’icône représente moins l’évènement que son sens spirituel : l’Eglise comme Pentecôte perpétuelle) ; puis les quatre évangélistes tenant l’Évangile (Matthieu et Luc à gauche, Jean et Marc à droite de l’image) ; puis les Apôtres Simon, Barthélémy et Philippe (ou Jude) d’un côté et André, Jacques et Thomas de l’autre côté. En bas au centre s’ouvre une cavité noire où une figure apparaît, pouvant varier selon les icônes : soit le prophète Joël, qui prophétisa la descente du Saint Esprit (cf. Joël, 2, 28) ; soit, le plus souvent, un vieillard couronnée, représentant le monde temporel, le « cosmos », tenant dans un linge les 12 rouleaux de l’enseignement des apôtres.
Lecture des Actes des Apôtres (2, 1-11)
Frères, lorsqu’arriva le jour de Pentecôte, les apôtres se trouvaient tous ensemble dans un même lieu. Soudain retentit depuis le ciel un bruit comme celui d’un souffle violent, qui remplit toute la maison où ils étaient assis. Ils virent apparaître une sorte de feu, qui se partageait en langues, pour se poser sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit saint et se mirent à parler en d’autres langues, chacun s’exprimant selon le don de l’Esprit. Or il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Au bruit qui se produisit, ils se rassemblèrent en foule, et chacun eut la stupéfaction d’entendre les apôtres parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils se disaient tous, les uns aux autres : « Ces hommes qui parlent, ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Nous qui sommes Parthes, Mèdes ou Elamites, qui habitons la Mésopotamie, la Judée ou la Cappadoce, le Pont, l’Asie, la Phrygie, la Pamphylie ou l’Egypte, Libyens de Cyrénaïque, Romains résidant ici, Juifs de naissance ou prosélytes, Crétois ou Arabes, tous, nous les entendons en notre propre langue proclamer les merveilles de Dieu ! »
Lecture de l’Évangile selon saint Jean (7, 37-52 à 8, 12)
En ce temps-là, le dernier jour de la fête des Tentes, le grand jour, Jésus était là et Il s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive celui qui croit en moi ! Comme l’a dit l’Ecriture, de son sein couleront des fleuves d’eau vive. » Jésus dit cela de l’Esprit que recevraient ceux qui croiraient en lui ; car l’Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. Alors, dans la foule, certains de ceux qui avaient entendu ces paroles disaient : « Celui-ci est vraiment le Prophète. » D’autres disaient : « Celui-ci est le Christ. » Il y en avait qui disaient : « Est-ce de Galilée que viendrait le Christ ? N’était-il pas dit dans l’Ecriture que c’est de la semence de David, et de Bethléem, la localité d’où était David, que viendrait le Christ ? » Il y eut donc division dans la foule à cause de Jésus. Certains d’entre eux voulaient se saisir de lui, mais nul ne porta la main sur lui. Les gardes vinrent donc vers les grands prêtres et les pharisiens, et ceux-ci leur dirent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » Les gardes répondirent : « Aucun être humain n’a jamais parlé comme parle cette personne. » Les pharisiens leur répondirent alors : « Auriez-vous, vous aussi, été égarés ? Parmi les autorités ou les pharisiens, en est-il un seul qui ait cru en lui ? Mais cette foule qui ne connaît pas la Loi, elle est maudite ! » L’un des leurs, Nicodème, qui était venu vers Jésus auparavant, leur dit : « Notre loi condamne-t-elle quelqu’un, avant de l’avoir entendu et d’avoir su ce qu’il fait ? » Ils lui répondirent : « Toi aussi serais-tu de Galilée ? Cherche et vois dans les Ecritures que de Galilée ne surgit pas de prophète. » Jésus se remit alors à leur parler et dit : « Moi, Je suis la Lumière du monde ; qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie. »
La prière, le jeûne, les veilles et autres activités chrétiennes, aussi bonnes qu’elles puissent paraître en elles-mêmes, ne constituent pas le but de la vie chrétienne, tout en aidant à y parvenir. Le vrai but de la vie chrétienne consiste en l’acquisition du Saint-Esprit de Dieu. Quant à la prière, au jeûne, aux veilles, à l’aumône et toute autre bonne action faite au nom du Christ, ce ne sont que des moyens pour l’acquisition du Saint-Esprit. […]
Il est certain que toute bonne action faite au Nom du Christ confère la grâce du Saint-Esprit, mais la prière plus que toute autre chose, étant toujours à notre disposition. […]
Quand le Saint-Esprit descend sur l’homme avec la plénitude de ses dons, l’âme humaine est remplie d’une joie indescriptible, le Saint-Esprit recréant dans la joie tout ce qu’il effleure. C’est de cette joie que le Seigneur parle dans l’Évangile lorsqu’il dit : « Une femme qui enfante est dans la douleur, son heure étant venue. Mais ayant mis un enfant au monde, elle ne se souvient plus de la douleur, tellement sa joie est grande. Vous aussi, vous aurez à souffrir dans ce monde, mais quand je vous visiterai vos cœurs seront dans la joie, personne ne pourra vous la ravir » (Jn 16, 21-22). Toute grande et consolante qu’elle soit, la joie que vous ressentez en ce moment, n’est rien en comparaison de celle dont le Seigneur a dit, par l’entremise de son Apôtre : « La joie que Dieu réserve à ceux qui l’aiment est au-delà de tout ce qui peut être vu, entendu et ressenti par le cœur de l’homme en ce monde » (1 Co 2,9). Ce qui nous est accordé à présent n’est qu’un acompte de cette joie suprême.
– Saint Séraphim de Sarov, Entretien avec Motovilov.
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Si, après tout ce qui a été dit, il t’appelle à l’écart, t’ordonne de vivre dans la quiétude (l’hesychia) et te dit : « Demeure ici sans sortir, jusqu’à ce que tu sois revêtu de la force d’en-haut », avec une ferme espérance et une joie insatiable, écoute-le : il est sans mensonge, mon Frère, il est véridique, le maître dont je parle. Car maintenant aussi surviendra sur toi la même force de l’Esprit très Saint, non dans une manifestation sensible sous forme de feu ni avec grand fracas et souffle violent – car c’est pour les incroyants que tout cela s’est produit dans le temps – mais c’est sous la forme d’une lumière intelligible (noétique), avec grand calme et allégresse, qu’elle apparaîtra à ton intellect – ce qui est le prélude de l’éternelle et primordiale lumière, ce qui constitue un rayonnement et un éclat de la béatitude perpétuelle. A son apparition, toute pensée (logismos) passionnelle disparaît et toute passion de l’âme est chassée, toute maladie du corps trouve sa guérison. Alors les yeux du cœur sont purifiés, et ils voient Cela même qui est écrit dans les Béatitudes. Alors, comme dans un miroir, l’âme voit jusqu’à ses petites défaillances, elle s’enfonce dans l’abîme de l’humilité et, comprenant la grandeur de cette gloire, elle est emplie de toute espèce de joie et de félicité, et stupéfaite par ce qu’il y a d’inespéré dans ce miracle, elle répand des ruisseaux de larmes. Ainsi l’homme est-il entièrement transformé, il connaît Dieu et tout d’abord est connu de lui. Car c’est elle et elle seule qui fait que, choses terrestres et choses célestes, choses présentes aussi bien que futures, douloureuses et joyeuses, l’homme les méprise toutes, en même temps qu’elle le rend ami de Dieu, fils du Très-Haut et, autant qu’il est possible aux hommes, dieu.
– Saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses, tome II, SC 104, Catéchèse XX, p.345.
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La porte, c’est le Fils – « Je suis, dit-il, la porte » – ; la clef de la porte, l’Esprit-Saint – « Recevez, dit-il, l’Esprit-Saint : ceux à qui vous remettez les péchés, ils leur sont remis, ceux à qui vous les retenez, ils sont retenus » – ; la maison, le Père – « Car dans la maison de mon père, il y a beaucoup de demeures ». Fais donc soigneusement attention au sens spirituel (en grec θεωρία, theôria) de la parole. À moins que la clef n’ouvre – car « à lui, dit-il, le portier ouvre » -, la porte n’est pas ouverte ; mais si la porte ne s’ouvre pas, personne n’entre dans la maison du Père, comme dit le Christ : « Personne ne vient au Père, sinon par moi ».
Or, que l’Esprit-Saint, le premier, ouvre notre esprit et nous enseigne ce qui concerne le Père et le Fils, c’est encore lui qui l’a dit : « Quand viendra celui-là, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il témoignera, lui, à mon sujet, et il vous guidera dans la vérité totale. » Tu vois comment, par l’Esprit ou plutôt dans l’Esprit, le Père et le Fils se donnent à connaître inséparablement.
– Saint Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses, tome III, SC 113, Catéchèse XXXIII, p. 255.
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Après avoir ainsi convoqué les fidèles à l’auguste banquet, le prêtre y communie lui-même le premier; puis tous ceux qui sont comme lui du rang sacerdotal et ceux qui entourent l’autel. Mais le célébrant a auparavant versé dans le calice de l’eau chaude, pour symboliser la descente du Saint-Esprit sur l’Eglise. Car il y descendit après que toute l’oeuvre rédemptrice du Sauveur eut été achevée ; maintenant, il vient lorsque le sacrifice a été offert et que les dons sacrés ont atteint leur perfection pour ceux-là au moins qui peuvent communier dignement.
Toute l’oeuvre rédemptrice du Christ, en effet, est reproduite sur le pain au cours des rites de la sainte Liturgie comme sur une tablette : en symbole, nous le voyons petit enfant, puis conduit à la mort, puis crucifié, puis transpercé au côté ; ensuite, nous assistons à la transformation du pain lui-même en ce corps très saint qui a réellement enduré ces souffrances, qui est ressuscité, qui est monté au ciel et qui est assis à la droite du Père. Il fallait que le terme suprême de tous ces mystères fut aussi signifié après tout le reste, afin que fût complète la célébration du mystère, l’effet définitif venant ainsi s’ajouter à l’ensemble de l’action et de l’oeuvre rédemptrice.
Aussi bien, quel est le résultat et l’effet des souffrances du Christ, de ses actes et de ses discours ? Si on les considère par rapport à nous, ce n’est rien d’autre que la descente du Saint-Esprit sur l’Eglise. Il fallait donc que cette descente du Sant-Esprit fût, elle aussi, signifiée après les autres mystères. Elle l’est précisément par l’acte de verser l’eau chaude dans les saintes espèces.
Cette eau, qui à la fois est de l’eau et participe à la nature du feu, signifie l’Esprit-Saint, qui est aussi parfois appelé eau et qui apparut comme du feu lorsqu’il tomba sur les disciples du Christ.
Le moment présent de la saint Liturgie signifie ce moment de la Pentecôte : alors, le Saint-Esprit descendit après que tous les mystères du Christ eurent été accomplis ; maintenant, les dons sacrés ayant atteint leur suprême perfection, on y ajoute cette eau.
De plus, les saints Mystères signifient encore l’Eglise parce qu’elle est « le corps du Christ » et que les fidèles sont « les membres du Christ, chacun pour sa part ». A la Pentecôte, elle a reçu l’Esprit-Saint Après que le Christ fut monté au ciel ; maintenant, elle reçoit le don du Saint-Esprit après que les oblats ont été acceptés à l’autel céleste ; Dieu, qui a agréé ces dons, nous envoie en retour l’Esprit-Saint, comme il a été dit : car le Médiateur est le même, aujourd’hui comme alors, et c’est aussi le même Saint-Esprit.
– Saint Nicolas Cabasilas, Explication de la Divine Liturgie, chapitre XXXVII, SC 4 bis, p227.