Frères, ce n’est pas un aliment qui nous rapprochera de Dieu : si nous n’en mangeons pas, nous n’aurons rien de moins, et si nous en mangeons, nous n’aurons rien de plus. Mais prenez bien garde que cette liberté dont vous usez ne devienne pour les faibles une occasion de chute. Car si quelqu’un te voit, toi qui as la connaissance, attablé dans un temple d’idoles, ce spectacle ne poussera-t-il pas celui dont la conscience est faible à manger des mets offerts aux idoles ? Et ainsi, à cause de ta connaissance, ce faible périt, ce frère pour qui le Christ est mort. En péchant ainsi contre vos frères, en blessant leur conscience qui est faible, c’est contre le Christ que vous péchez. C’est pourquoi, si un aliment doit causer la chute de mon frère, je me passerai de viande à tout jamais, plutôt que de scandaliser mon frère. Ne suis-je pas libre ? Ne suis-je pas apôtre ? N’ai-je pas vu Jésus, notre Seigneur ? N’êtes-vous pas mon œuvre dans le Seigneur ? Si pour d’autres je ne suis pas apôtre, pour vous du moins je le suis ; car c’est vous qui, dans le Seigneur, êtes le sceau de mon apostolat.
En ce temps-là, Jésus dit : « Lorsque le Fils de l’Homme viendra dans sa gloire, et avec lui tous les anges, alors Il siégera sur le trône de sa gloire. Et seront rassemblées devant lui toutes les nations, et Il mettra à part les uns des autres, comme le pasteur met à part les agneaux et les chevreaux ; et Il placera les agneaux à sa droite et les chevreaux à sa gauche. Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car J’ai eu faim et vous m’avez nourri ; J’ai eu soif et vous m’avez désaltéré ; J’étais étranger et vous m’avez recueilli ; nu et vous m’avez vêtu ; J’étais malade et vous m’avez rendu visite ; J’étais en prison et vous êtes venus me voir.’ Alors les justes lui répondront et lui diront : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim et t’avons-nous nourri ou avoir soif et t’avons-nous désaltéré ? Quand t’avons-nous vu étranger et recueilli, ou nu et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade ou en prison et sommes-nous venus te voir ?’ Le roi leur dira en réponse : ‘Amen, Je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ Alors Il dira à ceux qui sont à gauche : ‘Allez loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car J’ai eu faim et vous ne m’avez pas nourri ; J’ai eu soif et vous ne m’avez pas désaltéré ; J’étais étranger et vous ne m’avez pas recueilli ; nu et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison et vous ne m’avez pas rendu visite.’ Et eux aussi répondront : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim ou soif, être étranger, ou nu, ou malade, ou en prison et ne t’avons-nous pas assisté ?’ Alors Il leur dira en réponse : ‘Amen, Je vous le dis, dans la mesure où vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’ Et ils s’en iront, eux vers le châtiment éternel, mais les justes vers la vie éternelle. »
« Aux pieds de notre Juge, toutes nos actions seront dévoilées et produites au grand jour. Car non seulement nous comparaîtrons, mais encore notre âme sera mise à découvert. »
– Saint Jean Chrysostome, Homélies sur la seconde épître aux Corinthiens, X, 3.
***
D’un mot, je dirai le mérite de la contemplation et de l’action. L’une nous élève d’ici-bas jusque vers le Saint des Saints et ramène notre esprit vers ce qui est comme lui. L’autre accueille et sert le Christ pour manifester en des œuvres le pouvoir de l’amour.
À elles seules, chacune de ces vertus suffit à nous conduire au salut et nous mener vers l’un des séjours d’éternelle félicité. Car il est autant de demeures célestes que de façons de vivre ici-bas et Dieu les attribue à chacun selon son mérite. Pratiquez n’importe quelle vertu, toutes si vous pouvez. Mais songez essentiellement à progresser dans votre itinéraire, tâchez de suivre pas à pas le bon guide dont la marche assurée vous mènera par d’étroits chemins et par d’étroites portes jusqu’aux vastes plaines des béatitudes célestes. S’il faut en croire saint Paul et Jésus, l’amour est le premier et le plus grand commandement, qui fonde la loi et les prophètes. Eh bien, je crois qu’un de ses principaux effets en est l’amour des pauvres, la tendresse et la compassion envers notre prochain. Rien ne fait honneur à Dieu comme la miséricorde, car rien ne lui est plus apparenté, lui que la miséricorde et la vérité précèdent, et qui préfère la miséricorde au jugement (Ps 88,15; Os 6,6). C’est surtout au bienfait que Dieu répond par le bienfait : sa récompense est juste, il pèse et mesure la miséricorde.
– Saint Grégoire de Nazianze, Discours 14, « L’amour des pauvres ».
***
Accueillons notre Dieu et Seigneur, le véritable médecin qui, seul, est capable de guérir nos âmes en venant à nous, Lui qui a tout quitté pour nous. Il frappe sans cesse à la porte de nos cœurs pour que nous lui ouvrions, afin qu’Il entre, qu’Il repose dans nos âmes, que nous Lui lavions les pieds et les couvrions de parfum, et qu’Il fasse chez nous Sa demeure. À un endroit en effet, Jésus blâme celui qui ne Lui a pas lavé les pieds (cf. Luc 7,44), et ailleurs Il dit : « Voici que Je me tiens à la porte ; si quelqu’un M’ouvre, J’entrerai chez lui » (Ap. 3,20). C’est pour cela en effet qu’Il a supporté tant de souffrances, livré Son corps à la mort, et nous a rachetés de la servitude ; c’est pour venir dans nos âmes et y faire sa demeure. C’est pour cela que le Seigneur dit à ceux qui seront à sa gauche lors du Jugement, et seront envoyés par Lui dans la géhenne avec le diable : « J’étais étranger et vous ne M’avez pas fait entrer ; J’ai eu faim et vous ne M’avez pas donné à manger ; J’ai eu soif et vous ne M’avez pas désaltéré » (Mt 15, 42-43). Car sa nourriture, sa boisson, son vêtement, son toit, son repos sont dans nos cœurs. C’est pour cela qu’Il frappe sans cesse, voulant entrer chez nous. Accueillons-Le donc et introduisons-Le au-dedans de nous, puisqu’Il est aussi notre nourriture, notre boisson, notre vie éternelle. Et toute âme qui ne L’accueille pas maintenant dans son intérieur, pour qu’Il y trouve du repos, ou plutôt pour qu’elle se repose en Lui, n’héritera pas du Royaume des Cieux avec les saints, et ne pourra pénétrer dans la Cité céleste. Mais Toi, Seigneur Jésus Christ, donne-nous d’y entrer, nous qui glorifions ton Nom avec le Père et Saint-Esprit. »
– Saint Macaire le Grand, Homélies spirituelles, Homélie 30, Spiritualité orientale n°40.
***
Quant à moi, je dis aussi que ceux qui sont châtiés dans la Géhenne sont flagellés par le fouet de l’amour. Qu’y a-t-il de plus amer et de plus violent que le châtiment de l’amour ? Ceux qui sentent qu’ils ont péché contre l’amour subissent un châtiment bien plus grand que les châtiments les plus redoutés. La douleur qu’éprouve le cœur qui a péché contre l’amour est plus déchirante que tout autre tourment. Il est absurde de penser que les pécheurs, dans la Géhenne, sont privés de l’amour de Dieu. L’amour est engendré par la connaissance de la vérité, laquelle, comme chacun le reconnaît, est donnée à tous. Par sa puissance même, l’amour agit d’une double manière : il tourmente les pécheurs, comme il arrive ici-bas qu’un ami ait à souffrir d’un ami, et il réjouit en lui ceux qui ont agi comme ils devaient le faire. Tel est, à mon avis, le châtiment de la Géhenne : l’amer regret qui procède de l’amour, tandis que la joie que celui-ci renferme enivre de ses délices les âmes des fils d’en haut.
– Saint Isaac le Syrien, Discours ascétiques, « Discours 84 », trad. père Placide.
Ce dimanche, nous faisons mémoire de la seconde et sévère Parousie de notre Seigneur Jésus Christ.
Lorsque tu descendras, ô Juge universel,
et jugeras toute la terre,
juge-moi digne aussi d’entendre cet appel :
« venez, les bénis de mon Père. »
Cette mémoire, les très-Saints Pères l’ont placée après les deux paraboles, afin qu’après avoir appris par elles l’amour de Dieu envers les hommes, nul ne vive dans l’insouciance en se disant : Dieu est l’ami des hommes et, du moment que je me tiens éloigné du péché, je suis prêt à l’achèvement total. C’est donc ici qu’ils ont placé la mémoire de ce jour redoutable, afin que par la contemplation de la mort et l’attente des châtiments à venir, ceux qui sont disposés à l’insouciance, éprouvant de la crainte, reviennent à la vertu, sans compter sur le seul Ami des hommes, mais considérant aussi que le Juge est juste et qu’il rendra à chacun selon ses œuvres. D’ailleurs, les âmes s’étant avancées, il fallait bien que vînt aussi le Juge. D’une certaine manière, la présente fête prend place maintenant comme le terme de toutes, puisque ce sera aussi la dernière de tous nos semblables. Il faut en effet considérer qu’on place au dimanche suivant le commencement du monde et la chute d’Adam hors du Paradis. La présente fête marque la fin de tous les jours et la fin du monde. On l’a placée au dimanche de l’Apokréo, pour contenir la gourmandise et la voracité grâce à l’effroi que procure cette fête et pour nous appeler à la compassion envers le prochain. D’ailleurs, puisque c’est après avoir mangé que nous avons été chassés de l’Eden et que nous avons encouru jugement et malédiction, pour cette raison la présente fête trouve place ici, et aussi parce que nous devons, le dimanche suivant, qui commémore Adam, être symboliquement chassés de l’Eden, jusqu’à ce que le Christ, en revenant, nous ramène au Paradis.
La seconde Parousie, cela signifie qu’une première fois il est venu jusqu’à nous, mais simplement et sans gloire, tandis que maintenant c’est avec des merveilles surnaturelles et une gloire éclatante qu’il vient depuis le ciel et avec son corps, afin que tous sachent bien que c’est le même qui est venu la première fois et qui a sauvé le genre humain et qui doit à présent le juger, pour voir s’il a bien gardé ce qu’il lui avait donné. Quand arrivera cette Parousie, personne ne le sait, car le Seigneur l’a caché même à ses Apôtres. D’ici là, certains signes auront dû se manifester, que quelques Saints ont exposés assez largement. On dit qu’il devra s’écouler sept mille ans. Mais avant sa Parousie viendra l’Antéchrist, et il naîtra (au dire de Saint Hippolyte de Rome) d’une femme souillée, mais prétendue vierge, appartenant au peuple hébreu, à la tribu de Dan, fils de Jacob ; il ira çà et là, imitant le Christ par sa vie : il fera des miracles, ceux que le Christ a faits, et il ressuscitera les morts. Mais tout cela, il le fera de façon imaginaire, qu’il s’agisse de la naissance, de la chair et du reste, comme dit l’Apôtre (2 Thess 2:9) : alors, dit-il, le fils de la perdition se manifestera « par toute espèce d’œuvres de puissance, de signes et de prodiges mensongers ». Et ce n’est pas que le Diable lui-même se transmuera en chair, comme le dit Jean Damascène, mais un homme, né de la prostitution, recevra tout le pouvoir de Satan et surgira soudainement, au point de sembler à tous bon et bienveillant. Il y aura alors une grande famine, et il subviendra aux besoins des gens ; il continuera les Saintes Ecritures et pratiquera le jeûne, sera pris de force par les hommes et proclamé roi, il entretiendra d’excellentes relations avec les hébreux, se fera établir à Jérusalem et reconstruira leur temple. Avant sept ans, comme dit Daniel, viendront Enoch et Elie, avisant le peuple de ne pas l’accueillir ; mais il les fera prendre et torturer, puis il leur coupera la tête. Ceux qui voudront persévérer dans la piété devront fuir au loin ; mais il les trouvera dans les montagnes et leur enverra des démons pour les éprouver. Cependant, les sept années « seront abrégées, à cause des élus », et il y aura une grande famine ; l’ensemble des éléments sera changé et tous, ils risqueront de disparaître.
Après cela, soudaine comme un éclair venu du ciel, ce sera la Parousie du Seigneur, précédée par sa vénérable Croix, et un fleuve de feu bouillonnant s’avancera devant lui, purifiant de ses souillures toute la terre. Aussitôt l’Antéchrist sera pris, avec ses suppôts, et ils seront livrés au feu éternel. Tandis que les Anges sonneront de la trompette, on se rassemblera des confins de la terre et de tous les éléments, tout le genre humain affluera à Jérusalem, puisque c’est le centre du monde, et des trônes y seront installés pour le jugement. Tous, avec corps et âmes, se transmueront en rejoignant l’incorruptibilité, chacun ayant son aspect unique, et tous les éléments accuseront un changement vers le mieux. Alors, d’une seule parole, le Seigneur séparera les justes des pécheurs, et ceux qui auront fait le bien iront jouir de la vie éternelle. De leur côté, les pécheurs iront vers l’éternel châtiment, et ils n’auront plus de répit. Il faut savoir que le Christ ne s’enquerra pas sur le jeûne, le dénuement ou les miracles : certes, ces choses-là sont bonnes, mais il y a encore mieux, à savoir la charité et la compassion. Car aux justes comme aux pécheurs il dira six choses : « J’ai eu faim, et vous, m’avez donné à manger. J’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire. J’étais étranger, et vous m’avez accueilli. J’étais nu, et vous m’avez vêtu. J’étais malade, et vous m’avez visité. J’étais prisonnier, et vous êtes venus me voir. Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.»
Et cela, chacun doit le faire selon ses possibilités. Alors, « toute langue proclamera, de Jésus Christ, qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2:11). Quant aux châtiments que nous révèle le Saint Evangile, les voici : « Il y aura des pleurs et des grincements de dents, le ver qui ronge sans fin, le feu qui jamais ne s’éteint » et l’on sera « jeté dans les ténèbres extérieures ». Mais l’Eglise de Dieu recevra tout de façon radieuse, et par royaume des cieux on entend les délices, le séjour des Saints avec Dieu, l’illumination et l’élévation perpétuelles. Le châtiment, ce sont les ténèbres ou ce qui leur ressemble : la séparation d’avec Dieu, le harcèlement de la conscience demandant aux âmes comment elles ont pu, par insouciance ou pour une jouissance éphémère, se priver de la divine illumination.
Cette vie de Saints est tirée du : « Triode de Carême », Diaconie Apostolique.