Ce premier dimanche après la Pentecôte, nous célébrons la mémoire de tous les Saints qui ont vécu dans le monde entier. « De mon Seigneur et Dieu, je loue tous les amis, souhaitant d’être un jour dans leur grand nombre admis. » Nos Pères saints ont décrété de célébrer cette fête après la descente du Saint Esprit, car la sainteté atteste de la présence en nous de l’Esprit Saint.
L'icône de la fête
Au centre de l’icône du dimanche de tous les saints, notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ est assis en gloire sur un arc-en-ciel, entouré de la « nuée de témoins » décrite par saint Paul dans sa lettre aux Hébreux (11,33-12,2). La multitude des saints évoque « une grande multitude, que personne ne peut dénombrer, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue » (Apocalypse 7,9). Les rangées de saints incluent la Très Saint Mère de Dieu et saint Jean le Baptiste, les archanges et les anges, les Apôtres, les évêques, les grands martyrs, les ascètes et les moines. En dessous du Christ en gloire se trouve l’Etimasie (ἑτοιμασία, “préparation”), le trône vide symbolisant l’attente du retour du Christ, devant lequel s’inclinent en révérence Adam et Eve. Les saints, de même, lèvent leurs mains en adoration. Les saints sont inclus dans une mandorle, manifestant la communion des saints avec Dieu.
Le paysage dépeint le Paradis. Dans la partie du bas, à gauche, de l’icône se trouve le Patriarche Abraham, tenant sur son sein l’âme d’un juste, comme dans la parabole évangélique du pauvre Lazare et de l’homme riche. Le sein d’Abraham symbolise le lieu où les âmes des justes reposent jusqu’au jour du Jugement (Luc 16,19-31). Dans le bas droit se trouve le patriarche Jacob, tenant les 12 tribus dans un tissu. Au centre, en bas, se tien Dismas, le bon larron crucifié avec le Christ et à qui le Seigneur a dit : « aujourd’hui même tu seras avec moi dans le Paradis » (Luc 23, 39-43).
Dans les coins supérieurs de l’icône se trouve d’un côté le roi David, qui s’écrit dans le Psaume 138, v.17-18 : « J’ai beaucoup honoré tes amis, ô Dieu, leur empire s’est grandement affermi ; si je les comptais, ils se trouveraient plus nombreux que le sable. » De l’autre côté, se trouve le roi Salomon. Deux lectures sont faites de la Sagesse de Salomon lors des grandes vêpres du dimanche de tous les saints, dont voici un extrait : « Les justes vivront à jamais, leur récompense est aux mains du Seigneur; c’est le Très-Haut qui en prend soin. » (Sagesse de Salomon 5, 16).
Lecture de l’épître du saint apôtre Paul aux Hébreux (11, 33-40 ; 12, 1-2) :
Frères, c’est par la Foi que tous les saints conquirent des royaumes, exercèrent la justice, obtinrent l’accomplissement des promesses, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la violence du feu, échappèrent au tranchant du glaive, tirèrent force de leur faiblesse, montrèrent leur vaillance au combat, mirent en fuite des armées d’étrangers. Par la Foi, certains ont ressuscité pour des femmes leur enfant mort ; d’autres se sont laissé torturer, refusant leur délivrance afin d’obtenir une meilleure résurrection. D’autres encore ont subi la dérision, les coups de fouet, en plus des chaînes et de la prison. On les a lapidés, sciés, torturés, livrés par le glaive à la mort. Ou bien, ils durent aller çà et là, sous des toisons de chèvre ou des peaux de mouton, dénués, opprimés, maltraités. Eux que le monde n’était pas digne d’accueillir, ils ont erré dans les déserts et sur les monts, habitant les cavernes, les trous de la terre. Néanmoins, tous ceux-là, tous ces martyrs de la Foi, n’ont pas bénéficié de ce que Dieu avait promis : Il avait prévu pour nous un sort meilleur, afin qu’ils ne puissent pas sans nous parvenir à la perfection. Voilà donc pourquoi nous aussi, entourés que nous sommes d’une si grande foule de témoins, débarrassons-nous de tout ce qui nous alourdit, et d’abord du péché qui nous entrave ; alors, nous pourrons courir avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine de notre foi et qui la mène à son ultime perfection.
Lecture de l’Évangile selon saint Matthieu (10, 32-33, 37-38 ; 19, 27-30) :
En ce temps-là, le Seigneur dit : « Toute personne qui me reconnaîtra devant les gens, Je la reconnaîtrai devant mon Père qui est dans les cieux. Toute personne qui me reniera devant les gens, Je la renierai devant mon Père qui est dans les cieux. Qui aime son père ou sa mère plus qu’il ne m’aime n’est pas digne de moi ; qui aime son fils ou sa fille plus qu’il ne m’aime n’est pas digne de moi. Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. » Pierre répondit alors et dit au Seigneur : « Voici que nous avons tout laissé et que nous t’avons suivi ; qu’en sera-t-il pour nous ? » Jésus lui répondit : « En vérité, Je vous le dis, vous qui m’avez suivi, lors de la régénération de tout, lorsque le Fils de l’Homme trônera dans sa gloire, vous siégerez également sur douze trônes et jugerez les douze tribus d’Israël, et toute personne qui aura quitté maisons, frères ou sœurs, père ou mère, enfants ou champs à cause de mon Nom, recevra le centuple et héritera la vie éternelle. Beaucoup de premiers seront derniers et de derniers premiers. »
Ceux qui ont été jugés dignes de devenir enfants de Dieu et de renaître d’en-haut par le Saint-Esprit, qui portent en eux le Christ qui les illumine et leur donne le repos, ceux-là sont dirigés de manières multiples et variées par le Saint-Esprit et subissent invisiblement dans leur coeur, établis dans un repos spirituel, l’action de la grâce. Citons quelques types de jouissances visibles de ce monde, pour illustrer la manière dont la grâce se comporte dans l’âme. Parfois, ces âmes se réjouissent comme à un banquet royal, et elles éprouvent une allégresse et un bonheur indicibles. Une autre fois, elles sont comme l’épouse qui se repose en compagnie de son époux dans un repos divin. Parfois, elles sont comme des anges incorporels et jouissent, avec leurs corps, d’une liberté et d’une agilité semblables à la leur. Et parfois, elles sont comme prises de boisson, joyeuses et enivrées dans l’Esprit de la divine ivresse des mystères spirituels.
Une autre fois, elles gémissent et se lamentent sur le genre humain, et elles intercèdent pour Adam tout entier ; elles sont alors saisies par l’affliction et les larmes, brûlées qu’elles sont de l’amour de l’Esprit pour l’humanité. À un autre moment, l’Esprit les embrase d’une telle allégresse et d’une telle charité qu’elles voudraient, si la chose était possible, enfermer dans leur coeur tous les hommes, sans distinction de bons ou de mauvais. Parfois encore, elles s’humilient tellement en-dessous de tous les hommes, dans l’humilité de l’Esprit, qu’elles se tiennent pour les dernières de toutes et les plus insignifiantes. Une autre fois, elles sont absorbées par l’Esprit dans une joie ineffable. Une autre fois, elles ressemblent à un guerrier puissant, qui revêt toute l’armure royale, part en guerre contre les ennemis, combat vaillamment et remporte la victoire ; semblablement, l’homme spirituel prend les armes célestes de l’Esprit, marche contre ses ennemis, engage la bataille et les met sous ses pieds.
Une autre fois, l’âme se repose dans une grande tranquillité, dans une sérénité et une paix profondes, plongée entièrement dans un plaisir spirituel, dans un repos ineffable et un plein contentement. Une autre fois, la grâce la rend sage en lui donnant une intelligence, une sagesse ineffable, une connaissance insondable dans l’Esprit, qu’aucune langue ni aucune bouche ne peuvent exprimer. Une autre fois, elle redevient comme n’importe quel homme. C’est ainsi que la grâce se comporte en chacun d’une manière variée et dirige l’âme de nombreuses façons, la mettant en repos selon la volonté de Dieu, l’exerçant diversement, pour la remettre au Père céleste parfaite, irréprochable et toute pure.
– Saint Macaire le Grand, Homélies spirituelles, Dix-huitième homélie, §7-9.
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L’homme est un mystère. Nous portons en nous l’héritage des siècles, tout le bien vécu par les prophètes, les saints, les martyrs, les apôtres et principalement, par notre Seigneur Jésus Christ. Mais nous portons aussi le mal qui existe dans le monde depuis Adam jusqu’à aujourd’hui. […]
Le Seigneur disait à ses disciples : « Quand l’Esprit Saint viendra, il vous enseignera tout » (cf. Jn 14,26). C’est l’Esprit Saint qui nous enseigne tout. Il nous sanctifie. Il nous divinise. Quand nous avons l’Esprit de Dieu, nous devons incapable de tout péché, nous accédons à l’inaptitude au péché. Quand l’Esprit Saint est en nous, nous ne pouvons pas faire le mal. Nous ne pouvons pas nous fâcher, haïr, dire du mal, etc. Soyons pleins, soyons riches de la plénitude du Saint-Esprit. C’est en cela que réside la substance de la vie spirituelle. C’est cela l’art des arts. Ouvrons donc les bras et tombons dans les bras du Christ. Une fois le Christ venu, nous avons tout gagné. Le Christ changera tout en nous. Il apportera la joie, l’humilité, la prière, l’élévation. La grâce du Christ nous rénovera. Tournons-nous vers Lui avec ferveur, avec ardeur, avec dévouement, dans un amour passionné : le Christ nous donnera tout. […]
Notre religion est parfaite. Sa philosophie est profonde. Ce qui est simple est aussi ce qu’il y a de plus précieux. Dans le combat spirituel, c’est ainsi que vous devez lutter : en toute simplicité, en toute douceur, sans violence. L’âme se trouve sanctifiée et purifiée par l’étude des paroles des Pères, en retenant de mémoire les psaumes ainsi que des extraits des Vies des saints, par la pratique du chant liturgique, par la prière. […] Ne luttez pas pour chasser les ténèbres de la chambre de votre âme. Ouvrez un petit trou afin que la lumière y vienne, et les ténèbres partiront. Ne luttez pas contre elles ; transfigurez-les plutôt en force par le mépris du mal. Occupez-vous aux cantiques, aux canons, à l’adoration de Dieu, à l’amour divin. Tous les livres sacrés de notre Eglise, le Paraclitique, le Livres de Heures, le Psautier, les Ménées, contiennent de saintes paroles : des paroles d’amour pour notre Christ. Dès que vous vous consacrerez à cet effort avec ardeur, votre âme en sera sanctifiée d’une manière douce, secrète, sans que vous vous en rendiez compte. […]
Quant aux faiblesses, laissez-les là toutes. […] Ne dites pas non plus : « Mon Dieu, délivre-moi de cela » – de la colère par exemple, ou bien encore de l’affliction. Il n’est pas bon de prier à propos d’une passion précise, ni même d’y penser : il se passe quelque chose dans notre âme qui fait que nous nous en retrouvons plus embarrassés encore. […] Ne combattez pas la tentation d’une manière directe. N’implorez pas sa fuite. Ne dites pas : « Prends-la, mon Dieu ! » C’est alors que vous lui accordez de l’importance et que la tentation vous enserrera. Car, tout en disant : « Prends-la, mon Dieu ! », au fond c’est là que vous vous en souvenez et l’attirez davantage. La disposition à s’en débarrasser devra, bien entendu, exister ; mais elle sera vraiment très secrète et fort délicate, elle ne devra pas paraître. Elle agira dans le secret. Rappelez-vous ce que disent les Saintes Ecritures : « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » (cf. Matthieu 6,3). Que toutes vos forces soient orientées vers l’amour de Dieu, vers son adoration, vers l’attachement à Lui. C’est de cette manière que la délivrance du mal et de vos faiblesses sera opérée secrètement, sans que vous vous en rendiez compte, sans effort pénible.
– Saint Porphyre (1906-1991), Vie et Paroles, « Sur le combat spirituel ».