Dimanche du paralytique
Synaxaire de ce dimanche
Ce quatrième dimanche de Pâques, nous faisons mémoire de la guérison du paralytique. La mémoire de ce miracle a été placée ici parce qu’il a été opéré par le Christ durant la période des Cinquante jours, la Pentecôte hébraïque.
Monté à Jérusalem pour la fête, le Christ se rendit à la piscine de Bethesda, piscine aux cinq portiques, près de la Porte des Brebis, où l'on lavait les entrailles des brebis immolées en sacrifice dans le Temple. Parfois l'eau était agitée par un ange et le premier à s'y baigner après ce bouillonnement était guéri. Cette eau qui guérissait de façon visible le corps était une préfiguration de l'eau du baptême qui sauve spirituellement l'être entier.
Or un homme se trouvait là depuis trente-huit ans, attendant que quelqu'un l'aide à aller dans l'eau. Le Christ lui demande s'il veut être guéri, montrant ainsi que le salut exige l'adhésion de la liberté humaine. Celui-ci lui répond qu'il n'a personne pour l'aider. Alors le Christ lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » Et le paralytique fut aussitôt guéri. Mais comme c'était le jour du Sabbat, certains Judéens lui reprochent de porter son grabat (lit rudimentaire). L'homme guéri répond qu'il ne fait qu'obéir à Celui qui l'a guéri, sans savoir qui il est. Car Jésus, dit l'Evangile, avait disparu dans la foule. Plus tard, Jésus le trouva dans le Temple et lui dit : « Vois, tu es devenu en bonne santé ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’advienne pire. »
Icône de ce dimanche
Accompagné de ses disciples derrière lui, notre Seigneur bénit le paralytique. L'homme s'est levé, guéri et a pris son grabat, un lit, comme le Christ l'a ordonné. Le paralytique s'incline devant le Seigneur en signe de révérence et de gratitude pour le grand miracle qui a été accompli. À l’arrière-plan de l’icône se trouve la piscine où les infirmes venaient se soigner.
Péricopes de ce dimanche
Lecture des Actes des Apôtres (9, 32-42)
Frères, en ces jours-là, il advint que Pierre parcourait toute la contrée de Galilée et de Samarie ; il s’arrêté également chez les saints qui habitaient Lydda. Il y trouva quelqu’un appelé Énée, gisant sur un grabat depuis huit ans. Pierre lui dit : « Énée, Celui qui te guérit, c’est le Christ Jésus. Lève-toi, et range tes affaires ! » Et aussitôt il se leva. Tous les habitants de Lydda et de la plaine de Saron virent cela et se tournèrent vers le Seigneur. À Joppé, il y avait une certaine disciple nommée Tabitha, ce qui se traduit Dorcas. Cette femme débordait d’œuvres de bien, se signalait par ses bonnes œuvres et pratiquait la miséricorde. Or il advint, en ces jours-là, qu’elle tomba malade et qu’elle mourut. On lui fit sa toilette, et on la déposa dans la chambre haute. Et, puisque Lydda n’est pas loin de Joppé, les disciples, ayant appris que Pierre s’y trouvait, lui dépêchèrent deux hommes, avec la prière de se rendre chez eux sans tarder. Pierre aussitôt se leva et partit avec eux ; et, dès qu’il arriva, on le fit monter à la chambre haute. Là, toutes les veuves l’entourèrent et lui montrèrent en pleurant les tuniques et les manteaux que Dorcas, lorsqu’elle était avec elles, fabriquait en leur compagnie. Pierre fit sortir tout le monde et se mit en prière, à genoux. Puis, se tournant vers le corps, il dit : « Tabitha, lève-toi ! » Elle ouvrit les yeux et, voyant Pierre, elle s’assit. Il lui tendit la main, la fit lever, puis, appelant les veuves et les autres fidèles, la leur présenta en vie. Cela fut connu de tout Joppé, et nombreux furent ceux qui crurent au Seigneur.
Lecture de l’Évangile selon saint Jean (5, 1-15)
En ce temps-là, après la guérison du fils de l’officier, il y avait une fête des Judéens et Jésus monta à Jérusalem. Or il y a à Jérusalem près de la Porte des brebis une piscine, appelée en hébreu Bethesda, et qui possède cinq portiques. Sous ceux-ci une foule de malades étaient étendus, aveugles, boiteux, sourds, paralytiques, qui attendaient le bouillonnement de l’eau. Car l’ange du Seigneur descendait parfois dans la piscine et l’eau s’agitait ; le premier qui y entrait après le bouillonnement avait alors la santé, quel que fût son mal. Il était là quelqu’un de malade depuis trente-huit ans. Jésus le voyant étendu, et sachant qu’il y avait déjà longtemps, lui dit : « Veux-tu être guéri ? » Le malade lui répondit : « Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine lorsque l’eau s’agite et quand moi j’y vais, un autre y descend avant moi et reçoit la guérison et moi je m’en vais malade. » Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » Sur-le-champ cette personne fut guérie: il prit son grabat et marcha. Ce jour-là était un jour de sabbat. Les Judéens dirent donc à celui qui avait été soigné : « C’est sabbat et il ne t’est pas possible de porter ton grabat. » Mais il leur répondit : « Celui qui m’a donné la santé, c’est Lui qui m’a dit : Prends ton grabat et marche. » Ils lui demandèrent donc : « Qui est la personne qui t’a dit : Prends et marche ? » Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c’était ; Jésus, en effet, avait disparu, car il y avait foule à cet endroit. Après cela, Jésus le trouve dans le Temple et lui dit : « Vois, tu es devenu en bonne santé ; ne pèche plus, de peur qu’il ne t’advienne pire. » Cette personne partit et dit aux Judéens que c’était Jésus qui lui avait donné la santé.
Une vidéo pour la catéchèse des enfants.
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Kondakion du dimanche du paralytique
A mon âme tristement paralysée par mes péchés et mes transgressions, veuille, ô Christ, comme au Paralytique de jadis, en ta divine providence, accorder la guérison, afin que, délivré, je puisse te chanter: « Dieu de tendresse, gloire à ta puissance infinie ! » Et maintenant et toujours et dans les siècles des siècles : Amen !
Paroles des Pères
Commentaire d'un apophtegme d'un Père du déset (Abba Jean des Kellia) comparant les infirmes aux mauvaises pensées, et souligne la liberté laissée à l'homme d'être sauvé par Dieu :
Abba Jean des Kellia a dit : Considère bien les cinq portiques de Salomon, où sont couchés des infirmes, des boiteux, des aveugles et des impotents ; l’un d’eux était infirme depuis trente-huit sur son lit. Jésus lui : « Veux-tu être sauvé ? » Jésus en effet laisse l’homme à sa volonté ; car les boiteux, les aveugles et les impotents sont les mauvaises pensées qui habitent dans l’homme. Jésus donc laisse l’homme à sa volonté, de sorte que, si l’homme le veut, Jésus l’exauce, le sauve et expulse de lui les mauvaises pensées.
– Apophtegme des Pères du désert.
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Commentaire de saint Jean Chrysostome selon lequel la piscine de Bethesda était une préfiguration de l'eau du baptême. Tandis que cette eau soignait seulement le corps de façon visible, l'eau du baptême guérit des blessures plus profondes. Mais dans les deux cas, ce n'est pas l'eau elle-même qui possède cette vertu, mais par l'action de l'Ange pour la piscine et du Saint-Esprit pour le baptême.
« Or il y avait à Jérusalem la piscine des brebis, qui s’appelle en hébreu Bethesda, qui a cinq galeries, dans lesquelles étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux et de ceux qui avaient les membres desséchés, qui tous attendaient que l’eau fût remuée. »
Quelle était cette manière de guérir les malades ? Quel mystère nous propose-t-on ? Ce n’est pas sans sujet que ces choses sont écrites. Dans cette figure, dans cette image, l’Écriture peint en quelque sorte et expose à nos yeux ce qui doit arriver, afin que nous y soyons préparés, et que quand il arrivera quelque chose d’étonnant, à quoi l’on ne s’attendait point, la foi de ceux qui le verront n’en soit nullement ébranlée, mais demeure ferme. Qu’est-ce donc qu’elle nous présente, que nous prédit-elle ? Le baptême que nous devions recevoir, ce baptême plein de vertu, qui devait apporter et répandre une abondance de grâces, qui devait laver tous les péchés, et rendre la vie aux morts. Ces grands prodiges sont donc peints et représentés comme sur un tableau, et dans la piscine, et dans plusieurs autres figures. Dieu donna d’abord une eau propre à laver les taches et les souillures, non les véritables, mais seulement celles qu’on regardait comme véritables, à savoir, les souillures qu’on contractait par les funérailles, par la lèpre et autres semblables, qu’on peut voir dans l’ancienne loi, et qui étaient purifiées par l’eau.
Mais reprenons notre sujet. Premièrement donc, comme nous l’avons dit, l’eau lavait les taches du corps, et en second lieu, elle guérissait plusieurs maladies différentes. Dieu, pour nous approcher de la grâce du baptême et nous la faire voir de plus près, a voulu que la piscine ne lavât pas seulement alors les taches, mais qu’elle guérît aussi les maladies. En effet, les figures les plus voisines en date de la vérité, ou du temps du baptême, de la passion et des autres mystères, sont plus claires et plus lumineuses que les plus anciennes. Et comme les gardes qui approchent de près la personne du roi, sont plus élevés en dignité que ceux qui en sont plus éloignés, ainsi les figures qui sont venues dans un temps plus proche et plus voisin des choses qu’elles marquaient, sont plus claires et plus brillantes.
« Et l’ange descendant dans cette piscine, en remuait l’eau », et lui communiquait la vertu de guérir les malades ; afin que les Juifs apprissent qu’à plus forte raison le Seigneur des anges peut guérir toutes les maladies de l’âme. Mais comme l’eau de cette piscine n’avait pas en elle-même et par sa nature la vertu de guérir simplement les maladies, car alors elle les aurait toujours et continuellement guéries, mais elle l’acquérait par l’opération de l’ange ; de même, en nous l’eau du baptême n’opère pas simplement et par sa propre vertu, mais après qu’elle a reçu la grâce du Saint-Esprit, elle lave, elle efface alors tous les péchés.
– Saint Jean Chrysostome, Homélie XXXVI sur saint Jean.
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Commentaire de saint Ambroise de Milan comparant l'eau de la piscine de Bethesda et l'eau du baptême : tandis que celle-là guérissait physiquement un seul homme, celle-ci appelle tous les hommes à la guérison spirituelle.
C'est pour cela qu'on t'a dit : « L'ange du Seigneur descendait à certain moment dans la piscine, l'eau s'agitait, et le premier qui descendait dans la piscine après l'agitation de l'eau était guéri de n'importe quelle maladie qui le tenait. » C'est à Jérusalem que se trouvait cette piscine dans laquelle un seul était guéri chaque année, mais personne n'était guéri avant que l'ange fût descendu. Pour indiquer que l'ange était descendu, l'eau s'agitait, à cause des incroyants. Pour ceux-ci il y avait un signe, pour toi la foi. Pour ceux-là un ange descendait, pour toi c'est l'Esprit-Saint. Pour eux une créature s'agitait, pour toi le Christ, maître de la création, agit lui-même.
Alors un seul était guéri, maintenant tous sont guéris, ou plutôt un seul qui est le peuple chrétien. Car il y a aussi chez certains une eau trompeuse. Il ne guérit pas, le baptême des incroyants, il ne purifie pas, mais il souille. Le Juif baptise des vases et des coupes, comme si des êtres insensibles pouvaient recevoir la faute ou la grâce. Toi, baptise cette coupe sensible qui est la tienne : que tes bonnes oeuvres y brillent, que la splendeur de ta grâce y étincelle. Ainsi donc cette piscine était aussi une figure, pour que tu croies que la puissance divine descend dans cette fontaine-ci.
Puis ce paralytique attendait un homme. Lequel sinon le Seigneur Jésus né de la Vierge ? Lors de sa venue, ce n'était plus l'ombre qui guérirait chacun à son tour, mais la vérité qui guérirait tous ensemble.
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Commentaire de saint Jean Chrysostome selon lequel, contrairement à la piscine de Bethesda, tout humain peut recevoir la guérison spirituelle du baptême.
« Autour de cette piscine étaient couchés un grand nombre de malades, d’aveugles, de boiteux et de ceux qui avaient les membres desséchés, qui tous attendaient que l’eau fût remuée. » La maladie était alors elle-même un obstacle à la guérison du malade, elle empêchait de se guérir celui qui le voulait ; mais maintenant chacun a le pouvoir d’approcher et de venir à la piscine. Ce n’est point un ange qui en remue l’eau : c’est le Seigneur des anges qui opère tout, qui fait tout. Et nous ne pouvons pas dire : « Pendant le temps que je mets à y aller, un autre descend avant moi. » Quand même tout le monde entier y viendrait, la grâce ne s’épuise point, ni sa vertu ; elle demeure toujours la même. Et de même que les rayons du soleil éclairent tous les jours le monde sans s’épuiser, et ne perdent rien de leur lumière pour se répandre en plusieurs endroits de la terre ; ainsi, à plus forte raison, la grâce du Saint-Esprit ne diminue point par la multitude de ceux qui la reçoivent. Or Dieu a opéré ce prodige afin que ceux qui apprendraient que l’eau a le pouvoir de guérir les maladies du corps, et qui en auraient eux-mêmes fait l’épreuve depuis longtemps, eussent plus de facilité à croire que les maladies de l’âme pouvaient aussi se guérir.
– Saint Jean Chrysostome, Homélie XXXVI sur saint Jean.
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Commentaire de saint Augustin selon lequelle la piscine et les cinq portiques symbolisent le peuple juif et les cinq livres du Pentateuque.
Cette piscine et l’eau qu’elle renfermait me semblent avoir préfiguré le peuple juif. Que les peuples se trouvent désignés sous le nom des eaux, c’est chose clairement indiquée dans l’Apocalypse de Jean. Un jour, en effet, il avait aperçu de grandes eaux : il demanda ce que c’était, et on lui répondit: Ce sont les nations (Apoc. XVII, 15). Cette eau, environnée de cinq portiques, était donc l’emblème du peuple juif, régi par les cinq livres de Moïse ; mais ces livres montraient les infirmités des Israélites sans les guérir; car la loi établissait la culpabilité des pécheurs, et ne la faisait pas disparaître: la lettre, sans la grâce, faisait donc des coupables ; et quand ils s’avouaient tels, la grâce les délivrait. Voici ce que l’Apôtre dit à ce sujet: « Si la loi qui a été donnée avait pu communiquer la vie, il serait vrai de dire que la justice viendrait de la loi ». Pourquoi la loi a-t-elle été donnée? Paul continue en ces termes : « Mais l’Ecriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce que Dieu avait promis fût donné par la foi en Jésus à ceux qui croiraient (Galat. III, 21, 22) ». Y a-t-il rien de plus évident? Ces paroles ne nous ont-elles pas mis sous les yeux les cinq portiques et la multitude des malades qui s’y trouvaient .couchés? Les cinq portiques ne sont autres que la loi. Pourquoi ne guérissaient-ils pas les infirmes qu’ils renfermaient? Parce que, « si la loi, qui a été donnée, avait pu communiquer la vie, il serait vrai de dire que la justice viendrait de la loi ». Pourquoi contenaient-ils des hommes qu’ils ne guérissaient point? Parce que « l’Ecriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce que Dieu avait promis fût donné par la foi en Jésus à ceux qui croiraient ».
- Saint Augustin, Traités sur l'Évangile selon saint Jean, XVII, 2.
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Commentaire de saint Augustin sur le symbole de l'eau agitée par l'ange :
Comment donc se faisait-il qu’après l’agitation de l’eau, ceux qu’on y plongeait y retrouvaient la santé, au lieu qu’ils restaient malades tout le temps qu’ils demeuraient sous les portiques? Il est bon de le remarquer, l’eau semblait tout à coup s’agiter, et il était impossible de voir qui l’agitait. Sois-en bien convaincu : un ange venait d’habitude la remuer, et son action n’était pas sans indiquer l’existence d’un grand mystère. Immédiatement après qu’il avait ainsi remué l’eau de la piscine, l’un des malades, celui qui le pouvait, y descendait, et il était seul à obtenir sa guérison : après lui, quiconque s’y plongeait le faisait sans résultat. Qu’est-ce que cela signifie? Que le Christ est venu vers le peuple juif, et qu’en opérant des prodiges, en enseignant une doctrine précieuse, il a pu seul troubler les pécheurs, remuer l’eau par le fait de sa présence, et agiter les Juifs au point qu’ils le firent mourir. Mais quand il agissait ainsi, on ne le connaissait point ; car si les Israélites avaient connu le Roi de gloire, ils ne l’auraient jamais crucifié (1). Descendre dans l’eau, après qu’elle a été agitée, c’est donc croire humblement à la passion du Sauveur. Un seul malade était guéri dans l’eau de la piscine : c’était l’emblème de l’unité de l’Eglise: quiconque y descendait ensuite, n’obtenait pas sa guérison, car, en dehors de l’unité, il est impossible d’obtenir la rémission de ses fautes.
- Saint Augustin, Traités sur l'Évangile selon saint Jean, XVII, 3.
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Commentaire de saint Jean Chrysostome selon lequel la question du Christ permet au paralytique de révéler sa persévérance et sa patience. Nous devons imiter cette persévérance dans l'ardeur de notre prière.
Mais pourquoi donc Jésus-Christ, laissant tous les autres malades, s’approcha-t-il de celui qui l’était depuis trente-huit ans ? Pourquoi lui fait-il cette question : « Voulez-vous être guéri (5, 6) ? » Ce n’était pas pour l’apprendre qu’il lui fit cette demande, elle aurait été inutile ; mais c’était pour faire connaître la persévérance de cet homme, et pour nous montrer que c’était là la raison pour laquelle, préférablement aux autres, il était venu à celui-là. […] Elle est tout à fait admirable la persévérance de ce paralytique : depuis trente-huit ans, espérant chaque année d’être délivré de sa maladie, il demeura dans ce lieu et n’en sortit point. […] Rougissons donc, mes très-chers frères, rougissons et répandons des larmes sur notre prodigieuse lâcheté. Cet homme a persévéré pendant trente-huit ans, sans obtenir la guérison qu’il désirait, il ne l’obtenait point, et toutefois il ne renonçait point, et s’il n’obtenait point cette grâce, ce n’était point faute de soin ou de bonne volonté : mais c’est parce que d’autres l’en empêchaient, et usaient de violence à son égard : cependant il ne s’est point découragé. Nous, au contraire, si nous persévérons dix jours à prier pour obtenir quelque grâce, et que nous ne l’obtenions pas, nous nous engourdissons, nous nous décourageons aussitôt, nous n’avons plus ni la même ardeur ni le même zèle. Nous qui passons tant d’années à capter la faveur d’un homme, qui ne craignons point, pour cela, d’aller à la guerre exposer notre vie, de passer nos jours dans l’affliction et dans la misère, de nous appliquer à des couvres basses et serviles, et qui souvent à la fin sommes frustrés de nos belles espérances, nous n’avons ni la force, ni le courage de persévérer auprès de Notre-Seigneur avec tout le zèle et toute l’ardeur que nous devrions avoir, quoique la récompense promise soit beaucoup plus grande que ne le sont les travaux eux-mêmes; car « cette espérance », dit l’Écriture, « n’est point trompeuse » (Rom. V, 5). […]
Mais, direz-vous, la prière continuelle n’est-elle pas une chose pénible ? Et quoi ! dans l’exercice de la vertu tout n’est-il pas pénible ? […] Il nous est donc ordonné de mener une vie laborieuse, parce que l’oisiveté a coutume de nous corrompre. En effet, notre nature ne peut soutenir une vie oisive, mais aisément elle tombe de l’inaction dans le vice. Supposons qu’un homme tempérant et vertueux n’ait pas besoin de travailler, et que tout lui arrive en dormant, cette vie aisée, à quoi aboutira-t-elle ? ne nous rendra-t-elle pas vains et insolents ?
– Saint Jean Chrysostome, Homélie XXXVI sur saint Jean.
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Commentaire de saint Augustin ur la symbolique du chiffre 38 :
Lorsqu’il s’agit de quelque bonne oeuvre, le nombre deux a donc trait au double précepte de la charité: de là, il suit que le nombre quarante indique l’entier accomplissement de la loi, et que la loi n’est accomplie que par l’observation du double précepte de la charité : alors, pourquoi s’étonner si celui à qui le nombre deux manquait pour parvenir à quarante, gisait sous le poids de la maladie?
- Saint Augustin, Traités sur l'Évangile selon saint Jean, XVII, 6.
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Commentaire de saint Jean Chrysostome sur la patience sans rancoeur du paralytique.
Ce paralytique de trente-huit ans voit chaque année les autres malades recouvrer la santé ; il se voit lui-même toujours dans son infirmité, et il ne se laisse point abattre, et il ne se décourage point, encore que le chagrin d’avoir vu faut d’années s’écouler inutilement, et l’attente d’un avenir incertain, où ne se montrait nulle lueur d’espérance, pussent bien le mettre au supplice. Écoutez donc sa réponse, considérez toute l’horreur de son infortune. Jésus-Christ lui ayant dit : « Voulez-vous être guéri ? » il répondit : « Oui, Seigneur, mais je n’ai personne pour me jeter dans la piscine après que l’eau a été agitée ». Quoi de plus triste que ces paroles ? Quoi de plus malheureux qu’un tel sort ? Voyez-vous ce cœur brisé par une si longue misère ? Ne remarquez-vous pas comme il retient et étouffe son chagrin ? De sa bouche il ne sort aucun blasphème, aucun murmure, tels que dans la calamité et dans l’affliction nous entendons souvent plusieurs en prononcer. Il ne maudit point le jour de sa naissance, il ne se fâcha point de la question qui lui était faite, et il ne dit pas : « Vous me demandez si je veux être guéri, n’est-ce pas pour m’insulter et vous moquer de moi ? » mais il répondit avec beaucoup de douceur et de calme : « Oui, Seigneur ». Il ne connaît pas celui qui l’interroge, il ne sait pas que c’est lui qui le doit guérir, et cependant il raconte tout sans aigreur, et il ne demande rien, comme le font ceux qui parlent à leur médecin, mais il expose simplement son état. Peut-être s’attendait-il que Jésus-Christ l’aiderait en lui prêtant la main pour le jeter dans l’eau, peut-être aussi voulait-il par ces paroles le toucher et l’y engager. Que dit donc le Sauveur ? Voulant montrer qu’Il pouvait tout faire par Sa parole : « Lève-toi », lui dit-Il, « prends ton grabat et marche. »
– Saint Jean Chrysostome, Homélie XXXVII sur saint Jean.
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Commentaire de saint Augustin sur le commandement de se lever, prendre son grabat et marcher :
Le Sauveur se présente alors devant le paralytique, et lui rend la santé; mais, auparavant, il lui dit : « Veux-tu être guéri? » Celui-ci lui répond qu’il n’a personne pour le descendre dans la piscine. En réalité, pour guérir, il lui fallait un homme, mais l’homme qui est en même temps Dieu : car « il n’y à qu’un Dieu, et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme » (I Tim. 2, 5). L’homme indispensable s’approche de lui : pourquoi sa guérison serait-elle différée ?
« Lève-toi », lui dit-il, « prends ton lit, et marche». Voilà trois mots sortis de sa bouche: « Lève-toi, prends ton lit, et marche ». «Lève-toi» ; par ce mot, il ne commande pas d’agir, il rend la santé. Une fois guéri, le paralytique reçoit deux commandements: «Prends ton lit, et marche». Je vous le demande : pourquoi ne pas se contenter de dire : «Marche»? Ou bien, n’aurait-il pas suffi de dire «Lève-toi»? Il est sûr, en effet, qu’après avoir repris l’usage de ses membres, il ne serait pas resté en place. Ne se serait-il pas levé pour s’en aller? Voilà donc, pour moi, un nouveau sujet de surprise; car j’entends le Sauveur faire deux commandements à cet homme qu’il a trouvé couché sur son lit, parce qu’il lui manquait deux pour atteindre quarante ; en lui imposant deux préceptes, Jésus suppléait au nombre qui lui faisait défaut. Dans ces deux préceptes du Christ, comment pouvons-nous trouver trace des deux commandements de la charité? « Prends ton lit », dit-il, « et marche ». Quels sont, mes frères, ces deux commandements ? (...)
Rappelez-vous-le donc toujours: il faut aimer Dieu et le prochain. Il faut aimer « Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de tout son esprit, et le prochain comme soi-même ». Voilà ce à quoi nous devons toujours penser; ce qu’il nous faut sans cesse méditer, graver dans notre mémoire, mettre en pratique et accomplir. (...)
Par ces paroles : « Prends ton lit », Jésus a dit, ce me semble: Aime ton prochain. (...) Lorsque tu étais malade, ton prochain te portait : tu es revenu à la santé, porte donc, à ton tour, ton prochain. « Portez les fardeaux les uns des autres, et ainsi vous accomplirez la loi de Jésus-Christ» (Gal 6, 2). (...)
« Prends donc ton lit » ; mais quand tu l’auras pris, ne reste pas en place, « marche ». En aimant ton prochain, en prenant soin de lui, tu fais du chemin. De quel côté diriges-tu tes pas? Vers le Seigneur ton Dieu, vers celui que nous devons aimer de tout notre coeur, de toute notre âme, de tout notre esprit. Il nous est encore impossible d’arriver jusqu’à lui, mais avec nous se trouve notre prochain. Porte donc ton frère, puisque tu voyages avec lui, et par là tu arriveras jusqu’à celui avec qui tu désires demeurer toujours. « Prends » donc « ton lit et marche».
- Saint Augustin, Traités sur l'Évangile selon saint Jean, XVII, 7.
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Commentaire de saint Grégoire de Nazianze, selon lequel, nous aussi, à l'image du paralytique, nous avons été guéris et relevés par le Christ et il nous faut, nous aussi, ne plus pécher après une telle guérison :
Que le bain (du baptême) (...) ne te délie pas seulement de tes péchés, mais qu'il aille aussi jusqu'au redressement des moeurs (...). Hier, tu gisais sur un lit, languissant et abattu, et tu n'avais pas d'homme pour te jeter dans la piscine quand l'eau s'agiterait ; aujourd'hui, tu as trouvé un homme qui est aussi Dieu, ou plutôt un Dieu-homme. Tu as été soulevé de ton grabat, ou plutôt tu as soulevé ton grabat et tu as, pour ainsi dire, marqué ce bienfait sur une stèle ; veille à ne pas être de nouveau jeté sur un grabat, repos funeste du corps alangui par les plaisirs ; au contraire, marche comme tu es, en te souvenant de la recommandation : "Voici que tu es devenu sain ; ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive quelque chose de pire", si tu te montrais mauvais après cette faveur.
- Saint Grégoire de Nazianze, Discours 40, 33, Sources Chrétiennes 358.